Le radiologiste hospitalier a-t-il besoin d’une assurance
professionnelle personnelle ?

V. HAZEBROUCQ, MCU-PH de Radiologie, AP-HP et Université René DESCARTES - Paris 5

Cette question, récurrente lors de toute initiation de radiologistes à la responsabilité médicale, parait pertinente à la première lecture des principaux textes législatifs et de nombreux directeurs juridiques hospitaliers répondent que les personnels hospitaliers n’ont pas besoin d’une assurance personnelle.

En première analyse, en effet, le radiologiste hospitalier bénéficie de l’assurance et de la protection juridique du service public hospitalier qui l’emploie. Cependant, cette couverture n’est pas totale ni inconditionnelle ; c’est précisément lorsqu’elle fait défaut que l’assurance personnelle du radiologiste trouve tout son intérêt[1].

Dès lors, le chroniqueur donne une réponse définitivement affirmative à la question posée et y ajoute la recommandation d’examiner sans délai le contrat actuellement souscrit - ou proposé- pour vérifier qu’il apporte bien toutes les garanties nécessaires.

La mise en cause par un patient - ou une famille mécontente - de la responsabilité du médecin hospitalier peut viser deux objectifs distincts, éventuellement cumulés

La recherche d’une punition du médecin hospitalier est évidemment l’hypothèse la plus inconfortable, puisque c’est la personne du praticien qui est directement visée par la procédure pénale (ou par une procédure ordinale) et qu’en cas de condamnation pénale, ce n’est bien sûr pas l’assureur qui paierait l’éventuelle amende pas plus qu’il n’irait en prison à la place du radiologiste… (on ne peut pas s’assurer contre une sanction pénale).

En principe, tout établissement hospitalier doit prendre en charge la défense pénale de ses personnels, médicaux, paramédicaux ou administratifs. L'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose en effet que " la collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle".

Dans un tel contexte, l’intérêt principal du contrat d’assurance est de comporter une garantie « protection juridique » ou « défense et recours », associant aux avis et aux conseils juridiques pour diriger la défense du médecin mis en cause une prise en charge financière des honoraires des auxiliaires de justices (avocats, avoués…).

La recherche d’une indemnisation d’un dommage causé par une faute hospitalière est une hypothèse moins directement menaçante pour le praticien, puisque l’hôpital public ou privé doit légalement avoir souscrit une assurance garantissant l’indemnisation des fautes individuelles des salariés ou d’une faute d’organisation du service.

L’article 98 de la loi, dite Kouchner, n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits du malade et à la qualité du système de santé, impose une obligation d’assurance de responsabilité civile professionnelle (RCP) à tous les professionnels de santé exerçant à titre libéral[2] (y compris les remplaçants) … ainsi qu’à tous les établissements, services et organismes de santé, publics ou privés. Elle précise aussi que l’assurance de ces derniers couvre leurs salariés, y compris les médecins, nonobstant leur indépendance professionnelle.

Mais cette couverture est derechef limitée aux fautes qui ne sont pas « détachables du service » [3].

En cas de faute ‘détachable’, l’hôpital peut refuser son assistance et même se retourner contre son agent. En cas de divergence d’intérêt ou d’interprétation différente des faits entre l’hôpital et le praticien, la couverture de ce dernier par une assistance juridique personnelle est un atout incontestable - parfois décisif - pour tenter d’éviter qu’un accident juridique vienne compliquer l’accident médical initial.

La loi du 4 mars 2002, et sa correction partielle par la loi About n°2002-1577 du 30 décembre 2002 ont aussi eu d’autres effets sur nos contrats d’assurance : En premier lieu, la loi dispose que « …les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des personnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par 10 ans… » ce qui signifie que le patient dispose désormais d’un délai de 10 ans (à partir de sa consolidation juridique, c'est-à-dire de la stabilisation de son état) pour engager un litige contre un praticien libéral ou contre un médecin hospitalier ou un établissement de santé.

Cette extension de la durée de prescription administrative a été immédiatement applicable en mars 2002, avec pour conséquence que des affaires alors prescrites- le délai précédent de 4 ans après l’accident étant échu- sont redevenues susceptibles d’être engagées jusqu’à l’expiration du nouveau délai de 10 ans après consolidation du dommage.

La loi du 30 décembre 2002 a en effet modifié le Code des assurances afin que dorénavant, l’assureur qui couvre le médecin au moment de la première réclamation est tenu de prendre en charge le sinistre, à la condition que le périmètre du contrat en cours couvre effectivement le type de risque survenu, même si à l’époque de l’acte fautif un autre assureur le couvrait.

Cette disposition légale novatrice améliore la couverture assurantielle car il n’est plus nécessaire de retrouver la trace de l’assureur qui garantissait les faits au moment de la réalisation de l’acte médical critiqué, à la condition que la souscription du nouveau contrat soit sincère et qu’il n’y ait réellement pas eu de réclamation antérieure. Toutes les dispositions contractuelles antérieures contraires et moins favorables à l’assuré sont annulées par la loi à dater du 31 décembre 2003.

Lorsque le médecin décède ou arrête son activité - et cesse donc de s’assurer- le dernier contrat souscrit doit garantir les dommages potentiels qui seraient déclarés pendant 10 ans. Au-delà, le législateur a transféré cette charge à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (= ONIAM).

Le dernier point à souligner est qu’il subsiste dans la loi quelques points obscurs susceptibles de causer des défauts de couverture assurantielle, notamment en cas de changement d’activité et/ou d’assureur.

Il convient donc d’étudier soigneusement toute nouvelle police pour vérifier

(a) qu’elle garantit tous les sinistres antérieurs à sa souscription et auparavant assurés par le précédent contrat, même si une modification d’activité intervenue entre temps réduit les risques futurs, et

(b) la durée et la façon dont le contrat continuera à couvrir les risques après une résiliation pour cessation d’activité.

Ajoutons pour conclure qu’il est essentiel de décrire en détail à l’assureur tous les types d’actes potentiellement pratiqués, surtout lorsqu’ils ont un risque particulier (p.ex. échographie obstétricale, radiologie interventionnelle, secteur privé, dépistage ou expertises) car toute sous déclaration peut justifier, en cas de dommage, une annulation de la couverture assurantielle. Les primes payées le sont alors en pure perte !

Bibliographie :

Responsabilité médicale : prescription et période de garantie, par Nicolas GOMBAULT,
(La Revue du Praticien Médecine Générale du 2 avril 2003, n°12)

Responsabilité civile médicale : les ambiguïtés de la loi, par Georges LACOEUILLE (Le Concours Médical, 26 mars 2003,125, n°11 : 692-693)


 

[1] Le même argument vaut pour les manipulateurs d’électroradiologie qui ont tout intérêt à souscrire une police d’assurance de leur responsabilité civile professionnelle, d’ailleurs assez peu onéreuse.

[2] L’exercice en secteur privé d’un radiologiste hospitalier rend donc l’assurance personnelle obligatoire.

[3] La faute est qualifiée de « détachable » soit lorsqu’elle (1) n’a aucun rapport avec l’activité professionnelle régulière, comme par exemple un vol, une rixe… soit (2) lorsque, commise dans le cadre des fonctions de l’intéressé est d’une « inexcusable gravité », c’est-à-dire contraire à toutes les règles professionnelles et à tous les impératifs éthiques et déontologiques. Précisons que le refus de se déranger lors d’une astreinte a été considéré comme une faute d’une inexcusable gravité, de même que l’abstention volontaire d’appeler un confrère plus compétent.