Dossier médical en radiologie et archivage des images
Vincent HAZEBROUCQ, MCU-PH de radiologie, AP-HP et Université Paris — Descartes
(article initialement paru dans la revue SRH-Info en octobre 2007
et mis à jour en aout 2009)

Plusieurs interrogations récentes ainsi que l’actualité conventionnelle (avenant nº 24 à la Convention nationale des médecins spécialistes) conduisent la rédaction à s’intéresser à nouveau au dossier médical en radiologie et notamment à la réglementation de l’archivage des comptes-rendus et des images radiologiques, échographiques ou IRM. L’épopée juridique du ‘dossier médical’, initialement ‘dossier-du-médecin’ (son aide-mémoire), puis ‘dossier-du-service’ d’hospitalisation ou de consultation et parfois ‘dossier-hospitalier’, commun à tout un établissement de santé, devenu enfin dernièrement le ‘dossier-personnel-de-santé-du-patient’ a fait l’objet d’une précédente chronique à l’occasion de trois actualités juridiques relatives à la communication du dossier médical et à l’hébergement des données de santé [1]. Cependant, la place de nos images dans ce dossier n’avait pas encore été abordée ici, pas plus que les spécificités du dossier propre du service d’imagerie.

Rappel historique

La réglementation du dossier médical a toujours été hésitante en ce qui concerne les images radiologiques. Tantôt les textes définissant le dossier d’hospitalisation les incluaient spécifiquement, comme en 1968, tantôt ils les excluaient pour indiquer que seuls les comptes-rendus devaient être conservés, tantôt encore ils étaient plus allusifs et flous, parlant seulement par exemple des «… informations relatives à la prise en charge en cours d’hospitalisations : état clinique, soins reçus, examens paracliniques, notamment d’imagerie ;… », dans la version actuelle de l’article R. 1112-2 du CSP, découlant de la loi du 4 mars 2002, dite « Loi Kouchner »[2].

La réglementation étant si confuse et fluctuante, les pratiques étaient — et restent — variables, certains services versant aux archives la totalité des examens d’imagerie effectués durant l’hospitalisation, d’autres effectuant un tri pour ne conserver dans le dossier du patient que les images considérées comme les plus significatives et détruisant les autres, les derniers, enfin, choisissant de ne conserver que les comptes-rendus et de confier les images au patient en se déchargeant sur lui de la responsabilité de leur éventuelle conservation.

C’est d’ailleurs cette dernière solution que préconisait l’Agence nationale de l’évaluation en santé, (ANAES, désormais intégrée à la Haute autorité de santé, HAS) dans son rapport de 2003 sur la tenue du dossier patient : « …à la sortie du patient, il est possible de confier au patient ses clichés radiologiques, la seule obligation étant de conserver dans le dossier le compte-rendu radiologique ; il est alors recommandé d’établir une liste des documents remis, liste signée par le patient et conservée dans le dossier de l’établissement… ».

La numérisation et la dématérialisation des images médicales sont venues, d’une certaine façon, compliquer les choses, puisqu’elles permettent désormais à la fois de délivrer les clichés au patient et d’en conserver une copie. Mais comme on le verra plus loin, qu’une chose soit techniquement possible n’en fait pas de facto une bonne chose, et encore moins une obligation

La pratique était tout aussi incertaine pour les examens d’imagerie réalisés pour les consultations hospitalières (ambulatoires), alors que les examens d’imagerie effectués à l’hôpital sur un patient externe à la demande d’un médecin extérieur à l’hôpital étaient généralement traités comme dans les cabinets de ville : les images, et souvent aussi les comptes-rendus, étaient délivrées directement au patient pour lui permettre de les porter à son médecin[3].

En ce qui concerne les archives du service de radiologie, la seule obligation réglementaire, une fois le résultat de l’examen rendu au patient, ou bien, en cas d’hospitalisation, délivré au service clinique, était traditionnellement la ‘conservation indéfinie’ (c’est-à-dire ‘illimitée’) d’une liste des examens réalisés ainsi que d’une copie des comptes-rendus.

Les moins jeunes d’entre nous conservent le souvenir des « registres de laboratoire » sur les pages numérotées desquels étaient collés les doubles carbonés des comptes-rendus manuscrits ou tapés à la machine. Ces registres furent remplacés ensuite par des classeurs emplis de feuillets autodupliquants classés chronologiquement ou alphabétiquement ; ces classeurs ont eux-mêmes été ensuite délaissés pour des collections de disquettes ou de cartouches de sauvegarde informatique dont les formats divers (zip ioméga™, cartouches de disques durs amovibles de type Syquest™…, cartouches magnéto-optiques), n’ont eu en commun qu’une durabilité informatique (conservation et accessibilité) finalement bien plus limitée que les anciens registres de papier.

Lorsqu’autrefois les services de radiologie conservaient des images, c’était le plus souvent à des fins de collections d’images de références, notamment pour l’enseignement ou la recherche ; cette conservation était sélective et parfaitement facultative. Au demeurant, lors des changements d’appareillages, il était banal de sacrifier toutes ces archives devenues inutiles, car illisibles (bandes magnétiques, disquettes, cartouches magnéto-optiques, etc.), le nouvel équipement n’étant généralement pas capable d’exploiter les données de son prédécesseur, fut-il de la même marque. La généralisation du standard DICOM et l’avènement des PACS ont mis fin à ces déchirantes pratiques… et posent désormais le problème, finalement tout aussi délicat, de la conservation de ces archives : qui, quoi, combien, comment,… et qui paie ?

Il faut ici souligner que si, en France, radiologues et cliniciens attachent souvent en pratique plus d’importance aux images qu’aux comptes-rendus - au point que ces derniers, réglementairement obligatoires, soient parfois cependant considérés comme facultatifs…- nos collègues anglo-saxons et notamment états-uniens ont développé une tradition opposée consistant à ne délivrer en routine à leurs correspondants que les comptes-rendus et à conserver en radiologie l’intégralité des images radiologiques produites. Les effets des PACS sont donc tout inversement ressentis des deux côtés de l’Atlantique…

Récemment, de nombreuses équipes hospitalières et libérales se sont mises à délivrer les images médicales sous forme numérique, généralement sur des cédéroms, parfois des dévédés. Ces supports informatiques ont l’avantage du coût et de l’encombrement sur les films argentiques, mais à la différence de ces derniers, ils ne peuvent se lire sans un équipement informatique, bien plus onéreux qu’un négatoscope, et sans un logiciel adapté, dont la maîtrise suppose un peu d’entraînement voire de formation. Le développement de cette solution de communication et d’archivage - volontiers délégué comme autrefois au patient — pose également la question de ce qu’il convient de fournir comme images : nombre, qualité, type DICOM (fenêtrable) ou figé (TIFF) non comprimé ou avec une compression, et si oui, compression réversible ou destructrice ? et de quel type ?

Il n’existe en effet pas d’algorithme de compression uniformément adapté à tous les types d’images médicales, toutes les modalités et tous les types de pathologies. Selon qu’on s’intéresse à la résolution spatiale et aux fortes variations de densité ou de signal, ou au contraire qu’on veut discriminer de faibles variations de densité, de signal ou d’échostructure au sein d’un parenchyme, la nature des signaux mathématiquement non significatifs (et que l’on peut supprimer pour amoindrir la taille du fichier image) peut radicalement varier. Et quoi qu’en disent les commerciaux de nos fournisseurs industriels, la pierre philosophale de la compression des images médicales n’a pas encore été inventée (jpeg, ondelettes, fractales et autres techniques ont souvent des caractéristiques flatteuses mais ne sont jamais totalement dénuées de danger pour le diagnostic de certains types d’images pathologiques).

Le choix de la technique de compression adaptée, en fonction du type d’images, du contexte clinique et pathologique reste, comme toujours la valeur ajoutée du radiologue. C’est donc toujours le radiologue, comme autrefois, qui peut et doit sélectionner parmi les images qu’il produit celles qui méritent d’être communiquées et/ou conservées. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que les médecins radiologues ont de tout temps opéré des sélections drastiques dans les données fournies et archivées :

-          Avant la numérisation des angiographies, la soustraction n’était souvent effectuée que sur une dizaine voire une vingtaine des images d’un examen comportant l’acquisition de nombreuses séries à 2, 4 voire 6 images par secondes et totalisant souvent plus de 300 images ; Avec la numérisation, il est devenu possible de pratiquer la soustraction sur la totalité des images, mais on a souvent continué de n’en fournir que quelques vues ; et ne sont pas décomptées ici les images scopiques, non enregistrées lors de la mise en place des guides et des cathéters, des injections tests ou encore des embolisations ;

-          En échographie, la fourniture d’une dizaine de vues tirées d’un examen de 10 minutes correspond à un facteur de réduction supérieur à 1/1000 (24 images / secondes donnent 60 x 24 x 10 soit 14 400 images pour 10 minutes d’examen échoscopique ;

-          En radiologie conventionnelle et notamment digestive, les images observées en scopie étaient incomparablement bien plus nombreuses que les quelques clichés enregistrés en graphie ;

Le travail d’élaboration de recommandations professionnelles doit se poursuivre pour établir les bonnes pratiques, au cas par cas, et indiquer ce qui doit, parmi tout ce qui est techniquement possible, être fait dans l’intérêt des patients, de la recherche et de l’enseignement.

Que dit la réglementation actuelle ?

Certains aspects du problème se sont éclaircis, d’autres se sont curieusement obscurcis :

- La durée de conservation des données de santé, encore récemment régie par des textes obsolètes depuis bien des années[4] est désormais unifiée par l’article R.1111-7 du CSP[5] : Elle est de 20 ans après le dernier contact hospitalier du patient (séjour ou consultation). Ce délai d'attente de 20 ans avant d'effacer les données d'un patient doit cependant être prolongé : (a) en pédiatrie, jusqu'au 28è anniversaire du patient, (b) ou jusqu'au 10è anniversaire du décès d'un patient. Enfin, en cas de litige, (c) les données ne pourront être effacées qu'après le règlement définitif du dossier. En outre, « La décision d’élimination (des données) est prise par le directeur de l’établissement, après avis du médecin responsable de l’information médicale, et …subordonnée au visa de l’administration des archives qui détermine ceux de ces dossiers dont elle entend assurer la conservation indéfinie pour des raisons d’intérêt scientifique, statistique ou historique. »

- La Circulaire DHOS 2002-250 du 24 avril 2002 « relative aux recommandations pour le développement de l’imagerie en coupe par scanner et IRM » indiquait à son paragraphe « e) Réseaux locaux d’images : Avec la numérisation, les réseaux d’images locaux sont appelés à se développer dans le cadre des systèmes d’information de santé. Les projets d’installation et de renouvellement d’équipements lourds doivent s’inscrire dans cette perspective, en particulier en matière de standard de communication. Un système de gestion et d’archivage doit être prévu dans le cadre de la demande d’autorisation. »

Mais jusque très récemment, cette possibilité théorique d’archiver des images se heurtait notamment à la difficulté d’une absence de financement prévu pour cette activité, tant pour les crédits d’investissements, relativement importants, que pour les crédits de fonctionnement et de renouvellement… et l’évolution des technologies informatiques, ainsi que l’inflation galopante du volume des examens d’imagerie rendent la question de la pérennisation des archives très complexe au plan technique et préoccupante au plan financier. Malgré tout, de nombreux hôpitaux, publics le plus souvent, mais aussi quelques structures libérales ont fait le pari de la qualité et commencé à investir dans des solutions d’archivages et de réseaux d’images (PACS), malgré l’absence de financements prévus pour (1) les investissements initiaux, non négligeables, (2) les frais de fonctionnement (personnel, consommables, mises à jour et maintenance…) et (3) le renouvellement régulier des solutions de stockage.

- S’appuyant sur les expériences nationales et sur de nombreux avis d’experts, éclairés par les pratiques internationales, la Société française de radiologie a établi des recommandations pour l’archivage et la gestion des images médicales, qui ont inspiré, entre autres, le Cahier des charges annexé à l’avenant n°24 du 25 juillet 2007 à la Convention nationale des médecins organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie, signée le 12 janvier 2005. Cet avenant, approuvé par l’arrêté du ministre de la Santé, de la jeunesse et des sports du 10 septembre 2007 est paru au Journal officiel du 12 septembre dernier.

Dans l’objectif d’optimiser la qualité des diagnostics par le suivi comparatif des examens successifs, de favoriser le développement de la téléimagerie et du DMP, et de limiter les actes redondants, l’Union nationale des caisses d’assurances maladie (UNCAM) et les syndicats de médecins libéraux sont convenus de favoriser, en les finançant, la mise en place dans les structures libérales d’équipements d’archivages informatiques destinés au stockage des images numériques de radiologie conventionnelle, de mammographie, d’échographie obstétricale à l’exception des échographies de suivi de la grossesse (sic !) et de l’imagerie en coupe (scanner et IRM).

L’avenant prévoit le stockage des images pertinentes et utiles au diagnostic, en distinguant un archivage (en ligne) caractérisé par un accès immédiat sur le site durant deux ans, suivi d’un archivage à accès différé dont la durée n’est pas définie par l’avenant, mais qui doit en toute hypothèse respecter les stipulations de l’article R. 1111-7 (op. cit.) du CSP. Cet archivage doit évidemment faire l’objet d’une déclaration à la CNIL et comporter les mesures de sécurisations nécessaires pour préserver la confidentialité et la conservation pérenne des données.

Moyennant un engagement individuel des professionnels libéraux conventionnés, ainsi que le respect du cahier des charges ci-dessus résumé, « les médecins conventionnés qui archivent des images de radiologie et exercent exclusivement en secteur libéral » (c’est à dire, apparemment ni les PH ayant une activité libérale, ni les praticiens hospitaliers à temps partiel, ni même peut-être les praticiens libéraux effectuant des demi-journées en tant que praticiens attachés des hôpitaux ou comme vacataires dans des centres de santé, des cliniques, des dispensaires, etc.).

Cette restriction délibérée, convenue entre l’UNCAM et les syndicats de médecins libéraux, est tout à fait révoltante puisque les baisses tarifaires par ailleurs prévues dans l’avenant n°24 s’appliqueront en revanche à tous les praticiens ainsi qu’aux actes de radiologie effectués dans le cadre du secteur public hospitalier et alors que celui-ci a parfois lourdement investi dans ces équipements, sans financement spécifique.

La baisse du forfait technique des scanners et des IRM pénalisera lourdement les hôpitaux alors qu’ils ont pourtant souvent fait un important effort de substitution et fermé de nombreuses salles de radiologie conventionnelle, et même vasculaire, pour permettre l’acquisition de ces scanners ou IRM.

La baisse du supplément de numérisation (YYYY030) à 3,33 €uros au 1er janvier 2008 et à 2,66 €uros au 1er mars 2008 ne sera en effet pas compensée à l’hôpital par l’introduction des suppléments pour l’archivage des examens radiographiques ou échographiques (YYYY187 soit 3,00 €uros) ou pour l’archivage des examens scanographiques ou remnographiques (YYYY201 soit 4,00 €uros).

Cet avenant était juridiquement contestable, s’agissant d’un accord signé entre les seuls syndicats libéraux et l’UNCAM, avec des répercussions plus défavorables pour les praticiens hospitaliers et les hôpitaux publics. Les représentants du SRH avaient donc exprimé leur mécontentement, après la signature de cet accord aux dirigeants de la FNMR ainsi qu’auprès de l’UNCAM et du Ministère de la santé, et, devant l’absence de prise en compte de leurs remarques, ont déposé un recours devant le Conseil d’État, pour contester l’approbation de l’avenant 24 par le Ministre de la santé.

Le Conseil d’État a reconnu dans son arrêt du 21 juillet 2009 la légitimité des griefs du SRH et a donc partiellement invalidé l’arrêté d’approbation de l’avenant 24 par le ministre de la santé, en ce qu’il réserve l’option conventionnelle d’archivage aux seuls radiologues libéraux qui adhèrent à l’option archivage définie illégalement par les partenaires sociaux. Il a aussi condamné le Ministère de la santé et l’UNCAM à indemniser le SRH des frais de procédures que le syndicat a du engager pour obtenir gain de cause.

Cette affaire démontre que l'absence de concertation de l'UNCAM avec le SRH lors les négociations tarifaires de notre discipline est à l‘origine de dysfonctionnements et de conflits inutiles, et souligne que les tarifs de la CCAM ne concernent pas seulement la médecine libérale, mais également toute l’activité ambulatoire externe des services hospitaliers.

Comme il l'a déjà demandé en juin 2007 à M. Van Roekeghem, président de l’UNCAM, le SRH réitère son exigence d'être associé aux discussions tarifaires relative à la radiologie et demande à participer aux réflexions techniques et budgétaires relatives à la mise en place, tant pour la radiologie d’hospitalisation (publique ou privée) que pour la radiologie ambulatoire, de l’indispensable archivage des examens d’imagerie : au XXIè siècle il n’est plus pensable d’interpréter un examen d’imagerie sans pouvoir le comparer aux clichés antérieurs, ainsi évidemment qu’aux données cliniques ou biologiques du patient.


 

[1] Rappelons incidemment que ces anciennes chroniques sont disponibles dans la rubrique « Radiovigilance » du site web du SRH, à l’adresse http://www.srh-info.org/radio.asp ;

[2] Décret 2002-637 du 29 avril 2002, art. 9

[3] Signalons également que désormais, la jurisprudence exige que le compte-rendu soit directement adressé ( par la poste, par télécopies ou messagerie sécurisées au médecin demandeur et qu’il n’est plus raisonnable de considérer que le patient suffit à assurer la délivrance de l’information entre praticiens.

[4] Par exemple l’arrêté du 11 mars 1968 et son annexe réglementant la conservation des archives hospitalières, qui fixaient autrefois la durée de conservation selon le type de pathologie présentée par le patient, 20 ans en général, mais 70 ans en pédiatrie, neurologie, stomatologie et maladies chroniques ou indéfiniment pour les affections de nature héréditaire… Une nouvelle instruction interministérielle cosignée de la DHOS et de la Direction des archives de France a été diffusée le 14 août 2007 pour souligner l’abrogation des dispositions de cet arrêté interministériel du 11 mars 1968, lorsqu’elles sont contraires à celles du décret 2006-6 du 4 janvier 2006 et expliciter l’application de ce dernier.

[5]  la rédaction actuelle de cet article du CSP résulte du décret n°2006-6 du 4 janvier 2006, article 2-II, qui s’applique pleinement depuis le 4 janvier 2007.