Le radiologue, l’enfant mineur et ses parents
Docteur Vincent HAZEBROUCQ, MCU-PH de radiologie, Université Paris Descartes (Paris V) et AP-HP

La pratique radiologique quotidienne soulève quelquefois des difficultés juridiques qu’il n’est pas toujours aisé de régler sur le champ. L’attitude à avoir en radiologie vis-à-vis d’un enfant mineur fait partie de ces situations potentiellement juridiquement complexes. La présente chronique se propose de rappeler les jalons qui doivent guider notre pratique et qui idéalement pourraient faire l’objet d’un protocole du service de radiologie, élaboré à froid pour être disponible à tout moment en cas de nécessité, avec une copie des textes réglementaires ainsi que la liste des numéros de téléphone utiles.

La conduite du médecin est traditionnellement guidée par la recherche de l’intérêt du patient ainsi que celle de son consentement libre et éclairé aux soins que son état nécessite. Ces principes éthiques fondamentaux ont acquis une valeur réglementaire, par leur transcription dans le Code de déontologie médicale (CDM [1]), dans le Code de la Santé publique (CSP) et dans le Code civil (CCiv). La loi 2002-303 du 4 mars 2002, dite « Loi Kouchner » et plusieurs fois révisée, a notamment apporté quelques précisions utiles, au prix toutefois d’une certaine complexité.

Les principes

Pour un patient mineur (non émancipé et qui ne dispose de ce fait pas de l’autonomie légale), le médecin doit en principe recueillir avant tout acte le consentement éclairé de chacun des titulaires de l’autorité parentale (CSP, art. L. 1111-2, 5è alinéa:[2]).

Le médecin doit également, en fonction du degré de maturité et des capacités de compréhension du mineur, l’informer personnellement et tenter d’obtenir son acceptation de l’acte prévu (CSP, art. L.1111-2 et -4 [3]).

La délivrance des résultats de l’examen suit les mêmes règles : ils doivent être communiqués aux titulaires de l’autorité parentale (en plus du médecin demandeur) et au mineur concerné.

Les adaptations

Ces principes généraux peuvent, selon certaines circonstances, subir quelques modulations ou exceptions prévues par la loi :

-         Si l’avis des deux parents (lorsqu’ils exercent en commun l’autorité parentale) est théoriquement requis, le Code civil apporte toutefois une précision utile au quotidien, en permettant de présumer, pour les actes simples, l’accord des deux parents lorsque l’un des deux seulement est présent (CCiv, art. 372-2 [4]); de même, sauf cas particulier, la remise et l’explication du résultat de l’examen à l’un des deux parents suffira, en présumant qu’il transmettra à l’autre titulaire de l’autorité parentale. Bien évidemment si ce dernier demande ensuite des explications, il faudra les lui donner.

-         En pratique, si le rendez-vous a été pris par l’un des parents, et a fortiori si l’acte programmé s’inscrit dans un suivi médical régulier auquel les parents ont précédemment donné leur aval, le mineur peut être pris en charge sans trop d’interrogations, même s’il est venu seul, ou accompagné par une tante, ses grands parents, une « nounou », etc...

-         Il existe diverses situations où l’un des parents, parfois même un tiers, détient seul l’autorité parentale sur un enfant (divorcés, veufs, enfants adoptés, placement judiciaire…). C’est alors à cette personne qu’il revient d’exprimer le consentement légal qu’il est souhaitable de recueillir par écrit en faisant certifier par l’intéressé qu’il dispose seul de l’autorité parentale. En cas de doute, l’administration de l’hôpital peut procéder aux vérifications administratives nécessaires et notamment se faire communiquer tout document utile à attester la détention de cette autorité.

-         La nécessité du consentement éclairé du mineur et de ses parents s’efface bien sûr en cas de réquisition judiciaire, notamment pour l’établissement de l’âge radiologique osseux ou dentaire d’un délinquant présumé mineur. L’examen est alors effectué dans le cadre d’une procédure judiciaire et non d’une procédure de soins. Le résultat, couvert par le secret de l’instruction doit être rendu à la seule autorité requérante, et avec son accord, communiqué aux forces de l’ordre.

-         De façon pragmatique, le législateur et les juges reconnaissent évidemment la priorité de l’urgence sur le formalisme juridique, ainsi que la nécessité première de préserver la vie et la santé de l’enfant [5]:

·         En cas d’urgence avérée (à distinguer d’une demande simplement pressée), le médecin doit dispenser les soins et examens nécessaires, même si les parents ne peuvent être joints (CDM Art. 42 [6]). Il faut ensuite tout mettre en œuvre pour les contacter et les informer ;

·         Lorsque les parents s’opposent à des soins ou à des examens médicalement indispensables le médecin est légalement autorisé à passer outre ce refus, sans autre formalité si le temps presse (CSP, Art. L. 1111-4 et CSP, Art. 43 [7]). La prudence impose toutefois, autant que possible, d’avoir réellement tenté suffisamment de les convaincre et d’avoir demandé à un collègue d’essayer également ; il est encore recommandé de noter méticuleusement par écrit dans le dossier du jeune patient les décisions prises, leurs justifications ainsi que le détail des tentatives faites en vain pour obtenir l’accord des parents ;

·         Par précaution, pour les actes lourds et pas vraiment urgents, il est toutefois recommandé de prendre attache avec l’administration de l’hôpital et avec le substitut de permanence au Tribunal de grande instance pour les informer de la situation et des décisions envisagées[8].

·         Même en l’absence d’urgence, l’article L. 1111-4 du CSP permet au mineur qui ne souhaite pas que ses parents ne soient informés ni consultés d’être malgré tout soigné, à la condition de se faire accompagner par un autre adulte de son choix. Comme en matière de refus de soin, le médecin doit accepter avec prudence cette situation et tenter de convaincre le mineur de l’intérêt pour lui de disposer de l’accord et de l’aide de ses parents, ou bien d’en comprendre les raisons et de les partager...

·         Il est enfin bon de savoir que diverses dispositions réglementaires spécifiques permettent à un mineur de bénéficier d’une prise en charge hospitalière confidentielle, au titre du respect de sa vie privée et de son intimité, ainsi que de son droit individuel au secret. Ces dispositions traitent notamment des cas suivants : contraception, IVG, grossesse et accouchement sous X… ainsi que le dépistage anonyme et gratuit du VIH.

Par ailleurs et pour mémoire : le décret 2006-6 du 4 janvier 2006 ‘relatif à l'hébergement de données de santé à caractère personnel et modifiant le code de la santé publique…’ précise notamment, (article R. 1112-7 du CSP), la durée de conservation obligatoire des dossiers médicaux des établissements de santé ; ce texte prévoit une disposition particulière pour les enfants, ce qui justifie ce rappel dans la présente chronique : il faut conserver les données médicales durant 20 ans après le dernier contact avec le patient, ou au moins jusqu’à son 28è anniversaire s’il s’agit d’un enfant, ou encore 10 ans au moins après le décès du patient, sauf si litige, cas auquel on doit attendre, pour la destruction des données, la fin du procès.

 

En résumé, ici comme ailleurs, le médecin radiologue doit connaître la législation et la réglementation et savoir l’appliquer judicieusement dans le respect de sa déontologie, en s’adaptant aux circonstances et notamment à l’âge ainsi qu’à la demande du mineur, dont il doit en toute hypothèse défendre le meilleur intérêt.

Mais cela ne lui interdit pas de prendre certaines précautions pour être à même de se défendre s’il advenait que des parents, mécontents à juste ou mauvais titre, lui demandent ensuite des comptes.


 

[1] Rappelons que le CDM actuel, initialement publié en 1995 sous la forme d’un décret spécifique, est désormais intégré depuis 2004 à la partie réglementaire du Code de la santé publique, dont il constitue les articles R 4121-1 à -112.

[2] CSP, art. L111-2 :« Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.

   Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.

   Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel.

   La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.

   Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l'autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent l'information prévue par le présent article, sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-5. Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle.

   Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l'information sont établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé.

   En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. »

[3] CSP, art. L.1111-4 : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé.

   Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables. Il peut faire appel à un autre membre du corps médical. Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable. Celle-ci est inscrite dans son dossier médical. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10.

   Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.

   Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté.

   Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, la limitation ou l'arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue à l'article L. 1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés. La décision motivée de limitation ou d'arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical.

   Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Dans le cas où le refus d'un traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le médecin délivre les soins indispensables.

   L'examen d'une personne malade dans le cadre d'un enseignement clinique requiert son consentement préalable. Les étudiants qui reçoivent cet enseignement doivent être au préalable informés de la nécessité de respecter les droits des malades énoncés au présent titre.

   Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions particulières relatives au consentement de la personne pour certaines catégories de soins ou d'interventions. »

[4] CCiv, article 372-2 : « A l'égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant. »

[5] CSP, article L.1111-5 :« Par dérogation à l'article 371-2 du code civil, le médecin peut se dispenser d'obtenir le consentement du ou des titulaires de l'autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque le traitement ou l'intervention s'impose pour sauvegarder la santé d'une personne mineure, dans le cas où cette dernière s'oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l'autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, le médecin doit dans un premier temps s'efforcer d'obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin peut mettre en oeuvre le traitement ou l'intervention. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d'une personne majeure de son choix.

   Lorsqu'une personne mineure, dont les liens de famille sont rompus, bénéficie à titre personnel du remboursement des prestations en nature de l'assurance maladie et maternité et de la couverture complémentaire mise en place par la loi nº 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle, son seul consentement est requis.

[6] CSP, art. R 4121-42 : « Un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s’efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement.

   En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires.

   Si l’avis de l’intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible. »

[7] CSP, article art. R 4121-43 : « Le médecin doit être le défenseur de l’enfant lors qu’il estime que l’intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé par son entourage. »

[8] CSP, Art. R.1112-34 : « L'admission d'un mineur est prononcée, sauf nécessité, à la demande d'une personne exerçant l'autorité parentale ou de l'autorité judiciaire.

   L'admission d'un mineur, que l'autorité judiciaire, statuant en matière d'assistance éducative ou en application des textes qui régissent l'enfance délinquante, a placé dans un établissement d'éducation ou confié à un particulier, est prononcée à la demande du directeur de l'établissement ou à celle du gardien.

   Lorsqu'il s'agit d'un mineur relevant du service de l'aide sociale à l'enfance, l'admission est prononcée à la demande de ce service sauf si le mineur lui a été confié par une personne exerçant l'autorité parentale. Toutefois, lorsque aucune personne exerçant l'autorité parentale ne peut être jointe en temps utile, l'admission est demandée par le service d'aide sociale à l'enfance.

CSP, art R.1112-35 : « Sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-5, si lors de l'admission d'un mineur il apparaît que l'autorisation écrite d'opérer celui-ci, et de pratiquer les actes liés à l'opération ne pourrait en cas de besoin être obtenue à bref délai de ses père, mère ou tuteur légal en raison de leur éloignement, ou pour toute autre cause, ceux-ci doivent, dès l'admission du mineur, signer une autorisation d'opérer et de pratiquer les actes liés à l'opération.

   Dans le cas où les père, mère ou tuteur légal sont en mesure de donner une autorisation écrite à bref délai, celle-ci leur est demandée aussitôt qu'une intervention chirurgicale se révèle nécessaire.

   En cas de refus de signer cette autorisation ou si le consentement du représentant légal du mineur ne peut être recueilli, il ne peut être procédé à aucune intervention chirurgicale hors les cas d'urgence.

   Toutefois, lorsque la santé ou l'intégrité corporelle du mineur risquent d'être compromises par le refus du représentant légal du mineur ou l'impossibilité de recueillir le consentement de celui-ci, le médecin responsable du service peut saisir le ministère public afin de provoquer les mesures d'assistance éducative lui permettant de donner les soins qui s'imposent.

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