Le radiologiste, le chef de service, le directeur d’hôpital ou d’ARH et leurs responsabilités respectives.

Pour comprendre comment s’articulent les responsabilités respectives du radiologiste, du chef de service, du directeur de l’hôpital ou de l’Agence régionale d’hospitalisation, il faut au préalable définir les différentes sortes de responsabilités : indemnitaire (responsabilité civile), pénale, déontologique, sans même parler de la responsabilité économique, hélas de plus en plus à la mode…

Il faut ensuite savoir que les responsabilités s’ajoutent et ne se partagent pas, même si la charge de l’indemnisation résultant de la responsabilité civile peut être répartie entre les personnes reconnues conjointement responsables.

Au plan indemnitaire, la responsabilité civile est généralement assumée, à l’hôpital public, par l’administration hospitalière

Une des innovations majeures de la Révolution a été la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire), principe en application duquel les tribunaux judiciaires ne sont pas compétents pour juger de la demande d’indemnisation d’un particulier qui pense être la victime d’une faute hospitalière.

Ce conflit doit être porté devant les tribunaux administratifs, qui jugent à l’identique les fautes commises dans le secteur public hospitalier, qu’il s’agissent de fautes médicales, paramédicales, ou de fautes d’organisation des services.

Ce raisonnement ne s’applique pas si la faute a été commise dans le cadre de l’activité libérale du praticien, ni en cas de faute détachable de la fonction (c'est-à-dire une faute personnelle d’une extrême gravité ou n’ayant aucun rapport avec la mission du médecin, comme un vol, une rixe, un viol…).

Pour faire condamner l’hôpital à une indemnisation, le patient doit classiquement démontrer au juge administratif qu’une « faute » a été commise, qu’il a subi un « dommage » (préjudice) et qu’il existe un « lien de causalité » entre la faute et le dommage.

Dans certains cas particuliers, la responsabilité hospitalière est engagée en l’absence de faute : dommage résultant de la production et l’usage d’un produit de santé défectueux, ou subi par un donneur de sang, ou résultant d’une vaccination obligatoire ou encore d’un protocole de recherche sans bénéfice individuel direct.

Dans d’autres cas, la faute est (quasiment) automatiquement déduite de l’existence du dommage, comme dans le cas d’une infection nosocomiale, sauf si l’hôpital arrive à prouver l’existence d’une « cause étrangère » (faute de la victime, d’un tiers, ou cas de force majeure).

Il faut encore préciser qu’en cas d’accident médical iatrogène non fautif (aléa médical, diagnostique ou thérapeutique), ou d’infection nosocomiale grave, l’indemnisation est à la charge de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), alimenté principalement par l’Assurance maladie. Une procédure administrative nouvelle a ainsi été créée par la loi du 4 mars 2002, permettant à la victime de saisir la Commission régionale de conciliation et d’indemnisation, pour faciliter le règlement amiable des litiges, et éviter la voie judiciaire.

Depuis la loi du 4 mars, le délai de prescription de la responsabilité civile hospitalière a été porté à 10 ans (au lieu de 4 ans précédemment), comme pour la médecine libérale (au lieu de 30 ans).

La responsabilité pénale est toujours personnelle, et du ressort des tribunaux judiciaires

Elle est mise en cause lorsqu’une infraction (contravention, délit et crime) a été commise, dont chacun répond personnellement puisque le but est ici - non plus l’indemnisation - mais la punition d’un comportement socialement réprouvé : il n’est évidemment pas question d’envoyer son assureur en prison à sa place, ni de lui faire payer l’amende…

En principe, la condamnation d’un délit ou d’un crime suppose que soit démontrée l’intention de le commettre. Ce caractère intentionnel de la faute n’est cependant pas requis pour les contraventions, ni pour les délits résultant d’une imprudence, d’une négligence, ou de la mise en danger délibérée de la personne d’autrui.

Comme chacun, le médecin hospitalier répond directement de ses fautes pénales. Le chef de service peut également être condamné si une faute personnelle peut aussi lui être reprochée, par exemple une négligence ou une imprudence dans l’organisation de son service, telle que l’établissement du tableau de garde[1].

Le même raisonnement s’applique au directeur de l’hôpital, ou à celui de l’ARH, s’il peut être établi qu’ils ont concouru à un dommage corporel ou à un décès en s’abstenant volontairement d’attribuer les moyens absolument nécessaires à la continuité et à la sécurité du service public, alors qu’ils auraient pu le faire.

Par ailleurs, depuis la dernière réforme du Code pénal, votée en 1992 et applicable depuis 1994, une personne morale, telle qu’une administration hospitalière, ou encore une clinique, un cabinet de radiologie… peut se voir reconnaître pénalement responsable. Plusieurs affaires ont récemment démontré en effet que les tribunaux répressifs n’hésitent plus à sanctionner conjointement l’ensemble de la chaîne hospitalière.

Il n’est donc pas anodin, en cas de situation dégradée de fonctionnement du service, d’en aviser le directeur de l’hôpital ou celui de l’ARH. Cette arme est cependant à double tranchant : mal formulée, une telle lettre attesterait que l’on a accepté de continuer à travailler dans des conditions que l’on avait soi même déclaré inacceptables. Le délit d’imprudence serait alors établi…

Les tribunaux pénaux se fondent sur le Code pénal, et sur les dispositions pénales annexées aux différents Codes traitant des activités du médecin, notamment le Code de la Santé publique.

Le délai de prescription pour les infractions est de 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les contraventions.

Le médecin hospitalier répond aussi de ses actes, au plan déontologique, devant la chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins.

Cette juridiction statue en se fondant sur le Code de déontologie médicale, qui distingue les devoirs généraux des médecins, les devoirs du médecin envers ses patients et les devoirs du médecin envers ses confrères.
La responsabilité ordinale est strictement personnelle. Il n’y a pas de prescription pour les poursuites ordinales.


 

[1] En revanche, la légende selon laquelle le chef de service « couvrirait » les fautes de ses collaborateurs n’a guère de réalité juridique, si l’on veut dire par là qu’il protègerait ses subordonnés. À l’inverse, un chef de service qui masquerait volontairement l’information d’une faute commise par un de ses collaborateurs peut être pénalement condamné, notamment si cette rétention d’information concourt à l’aggravation du dommage… Les tribunaux ont même, dans une affaire récente de ce type, considéré qu’il s’agissait d’une faute détachable de la fonction, car « inexcusable et d’une extrême gravité ».